Infolettre #2

Dans le but d’informer et de divertir son fidèle lectorat, Ta Mère a eu la fausse bonne idée de demander à Alexandre Fontaine Rousseau de prendre le contrôle de son infolettre.

Cette semaine, Alexandre se fait confier une importante mission…

 

Montréal, 1er mars 2018.

Maxime Raymond, directeur littéraire de Ta Mère, a disparu. Aux dernières nouvelles, il avait quitté Montréal pour Gatineau, où il devait représenter les intérêts commerciaux de l’entreprise dans le cadre du Salon du livre de l’Outaouais. Une opération de routine.

Mais, depuis hier, ses partenaires s’inquiètent, car Maxime n’a donné aucun signe de vie au cours des dernières 24 heures. Son cell est-il mort? A-t-il été attaqué par des brigands de grand chemin? A-t-il obtenu un poste dans la fonction publique? Jouit-il d’une sécurité d’emploi généralement étrangère aux acteurs du milieu littéraire? Personne ne le sait.

Sachant que j’ai grandi dans la région administrative en question et que je connais par conséquent parfaitement bien le territoire, le dialecte ainsi que les coutumes locales, l’équipe de Ta Mère m’a chargé de retrouver Maxime et de le ramener à la maison.

 

Salon du livre de l’Outaouais, jour 1.

Je quitte Montréal vers 21h dans un autobus à destination d’Ottawa. À mon arrivée, je traverse la rivière afin de me diriger vers le secteur du Vieux-Hull. Je connais bien le coin, de même que ses innombrables débits de boisson. Je reconnais l’odeur du vice, la rumeur distante du party qui bat son plein.

Ici, les bars ferment à 2h. Les fêtards savent qu’ils n’ont pas de temps à perdre.

J’ignore les souvenirs d’adolescence qui remontent à la surface et je me rend d’un pas assuré jusqu’à l’appartement où loge Maxime. À ma grande surprise, il m’attend sur le pas de la porte et me tend une Labatt 50 en guise de poignée de main – un geste aussi connu des initiés sous le nom de « Gatineau handshake ».

Il est maintenant minuit. Maxime se débouche une je-ne-sais-combientième bière en me disant qu’il veut m’expliquer les règles du crib. Il écoute du Bruce Springsteen. « Tu vas voir, mon Alex. On est crissement ben icitte. » L’Outaouais, de toute évidence, a déjà pris possession de son âme.

 

Salon du livre de l’Outaouais, jour 2.

Assommé par les 50 de la veille, je me lève à une heure tardive. Maxime a déjà quitté l’appartement. Je le rejoins donc au Salon du livre, me frayant tant bien que mal un chemin parmi les hordes d’enfants qui veulent à tout prix leur fix d’Agent Jean.

Je le retrouve malgré la foule grouillante et je lui demande comment vont les affaires. « Ça se passe en ta’, mon Alex. J’ai vendu plein de livres hier! Plein! On a même réussi à passer un exemplaire du tien. C’est pas tous les jours que ça arrive, ça. » Je dois bien reconnaître qu’il a raison.

Il poursuit sur sa lancée : « Qu’est-ce que tu dirais d’aller au Boston Pizza, tantôt? Je pense qu’il y a une game des Sens, ce soir! »

Simon Boulerice et Jean-Philippe Baril Guérard se joignent à nous au courant de l’après-midi. Maxime leur parle de faire une résidence d’auteur en Outaouais, leur dit que ça pourrait être « cool » de venir s’installer ici « en gang » pour une coup’ de mois.

Je vois clair dans son jeu.

 

Salon du livre de l’Outaouais, jour 3.

Maxime démarre sa journée avec un « Old Aylmer breakfast », nom donné au classique cocktail Clamato-bière dans le vernaculaire local, tandis que je tente tant bien que mal de me remettre de la soirée d’hier avec un déjeuner santé à base d’Advil et de Gatorade bleu.

J’ai désormais l’intime conviction que nous ne survivrons pas à ce périple.

N’empêche qu’on a du fun, ici. Comme le veut la tradition, Simon Boulerice a dû défendre son titre de président d’honneur du Salon en affrontant tous les auteurs présents au bras de fer. Il a fait preuve d’une force physique exemplaire avant d’être battu par l’homme fort du coin, Guillaume Perrault, musclé du bras par des années de dur labeur en tant que dessinateur.

 

Salon du livre de l’Outaouais, jour 4.

Maxime a passé la soirée d’hier à répéter qu’il ne partirait jamais de cette contrée magique où l’homme est à même de renouer avec son essence primordiale. Je commence, pour ma part, à en avoir assez de manger de la pizza pis du chinois de food court.

Au cours des dernières heures du Salon, le comportement de mon compagnon devient erratique. Je le sens fébrile, son regard scrutant l’horizon à la recherche d’une manière de fuir. Rêve-t-il de disparaître dans le parc de la Gatineau pour ne faire qu’un avec la nature?

Je décide de le confronter.

« Tes enfants t’attendent » ne semblant pas fonctionner, je décide de sortir les gros guns. « Tu vas quand même pas manquer le lancement de Alice marche sur Fabrice de Rosalie Roy-Boucher et de Dimanche de Jérôme Baril le lundi 19 mars au Sporting Club?! »

Sachant que ça risque d’être pas mal incontournable comme événement et qu’il va y avoir de la bière en plus de ça, Maxime accepte finalement de rentrer à Montréal.

Mais dans la navette nous ramenant à la maison, je sens tout de même que son cœur est ailleurs. Comme le veut le vieux dicton, « tu peux sortir le gars de l’Outaouais, mais tu peux pas sortir l’Outaouais du gars ».

À l’année prochaine, Gatineau.