Infolettre #25

Dans le but d’informer et de divertir son fidèle lectorat sans faire trop d’efforts, Ta Mère a décidé de sous-traiter son infolettre à ses auteur.trice.s. Olivier Lussier (auteur de Cariacou) qui ne voulait pas trop faire d’effort non plus, nous a refilé le texte inédit qu’il a écrit pour l’émission Les idées folles. Si vous voulez être dans la gang et pas trop vous forcer vous non plus, vous pouvez vous éviter de la lecture et plutôt écouter le texte ici.

Rien peut réellement nous préparer à la chasse parce que la chasse, la vraie, par sa définition, se conclut par la mort. La fin c’est tuer quelque chose, prendre sa vie, s’imposer devant ce qui brille et l’éteindre. Y a pas de communion avec un animal mort. Y a les remerciements, les cérémonies, le respect, mais y a pas de communion. Y a le chasseur devant une carcasse. C’était en vie, ce l’est pu. La chasse c’est plein de choses, mais c’est aussi augmenter la vitesse à laquelle elles s’éteignent.

Rien ne nous prépare à ça, pas un livre de poèmes avec des trucs niaiseux dedans, pas la lecture d’un texte à la radio, pas une journée de formation dans une salle paroissiale qui sent l’café, entouré de bonhommes qui veulent remplir le congel après avoir suivi le cours de maniement d’armes.

Peu importe le nombre de vidéos d’éviscération que tu checkes, peu importe le nombre de flèches que tu tires dans les cibles 3D hautement réalistes de ton club d’archerie, peu importe les exercices de visualisation que tu fais dans ta cache en attendant la bête, rien te prépare à l’avoir dans ta mire pis à te faire surprendre par l’éclat de la déflagration qui se reflète dans des yeux noirs soudainement saisis de la mort.

La chasse c’est attendre dans le bois avec une arme chargée dans un but précis. 

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Rien ne peut réellement nous préparer à la poésie : la poésie, la vraie, c’est une déflagration inattendue, c’est la balle perdue qui te siffle su’l bord des oreilles, c’est avoir le souffle coupé, les yeux pleins d’eau, c’est mourir un peu devant des vers qui parfois ne tuent que toi, dans une salle pleine et en silence ou dans ton salon seul le soir, c’est quelques mots qui te renversent pourtant t’étais là t’étais là ben tranquille à attendre à flâner d’une chaise au bar au vestiaire à la ruelle à la chaise au bar t’es dans une soirée de poésie tu t’en es même pas rendu compte pis d’un coup la déflagration du tir te suspend dans les airs.

Les vers sont parfois dévastateurs. On les lit et ils nous changent brusquement comme un rêve qui vire mal comme se faire surprendre en flagrant délit comme une idée folle passagère comme réaliser que nos souvenirs disparaissent et nous échappent lentement – si la poésie n’était pas si puissante, pourquoi on y mettrait tout ce temps?

Quelque chose naît, quelque chose meurt, quelque chose nous chamboule ou rien du tout ne nous chamboule et la vie continue.