Infolettre spéciale – Courrier du coeur

Dans le but d’informer et de divertir son fidèle lectorat sans faire trop d’efforts, Ta Mère a décidé de sous-traiter son infolettre à ses auteur.ices. Pour cette semaine de réjouissances sentimentales, Carolanne Foucher et Frédérique Marseille ont décidé d’entretenir une relation épistolaire. Seule affaire: elles ont pas bien lu le mémo pour savoir qui commençait. Elles se sont donc écrit en même temps… 

 

Salut Frédérique,

Ici Carolanne. Je sais pas si tu te souviens de moi, on s’est rencontrées au hasard d’une table de signatures au Salon du livre de Montréal. Je fangirlais de te croiser, parce que je venais de finir ton premier livre, pis j’avais trippé. (Honnêtement même si j’avais pas trippé j’aurais sûrement fangirlé pareil, parce qu’écrire un livre c’est tellement un acte de résistance et d’offrande de soi et de vulnérabilité, ça mérite toujours d’être souligné. Mais bon, là, il adonne qu’en plus, j’avais adoré ma lecture.)

On s’est assises à côté pour dédicacer nos livres respectifs à nos publics respectifs, mais moi, j’avais un secret dans mon sac : j’avais apporté ton livre, pour que tu me le signes, ce que tu as fait. Yas, merci pour ça. Sans rancune sur le fait que t’avais lu aucun des miens. Just kidding, je l’ai encore un peu sur le cœur. JUST KIDDING AGAIN je suis vraiment pas fâchée.

Les mois ont passé, et je n’arrive pas à me sortir de la tête cette foudroyante rencontre: qui es-tu? Où vas-tu? Écriras-tu un prochain livre? Est-ce que ta narratrice va revenir ou est-ce que je dois faire mon deuil de cette voix singulière? Est-ce que TOI tu vas revenir au Salon du livre ou est-ce que je dois faire mon deuil de ça aussi, signer à côté de toi? 

Tant de questions, tant de temps, si peu de réponses. 

La St-Valentin approche pis… j’aurais aimé ça savoir si t’avais envie de me partager une couple de conseils d’amour. Pas que t’as l’air particulièrement hot sur ce sujet-là, ton roman n’annonce rien de particulièrement joyeux pour les femmes trentenaires, mais anyways, j’avoue que je sais pu vers qui me tourner.

J’ai rencontré un dude sur les applis de rencontres y a comme 6 mois, et on s’est flirtés assez intensément (cool), on s’est vus deux fois, mais finalement il m’a accusée de lui avoir donné la COVID fait qu’on s’est chicanés par message texte pis ça a fini là. CEPENDANT, on s’était ironiquement setté une date le 14 février, genre 6 mois d’avance, qu’on a tous les deux mise à l’agenda. On se trouvait crissement drôles, on s’est même invités à participer à la date via nos Google Agenda respectifs. Hi hi hi, on a bien ri. 

…C’était sans compter qu’on allait se pogner par message texte et qu’il allait m’accuser de lui avoir donné la COVID juste à temps pour Noël. (1. c’est wack faire ça 2. j’y ai même pas donné la COVID) La date s’en vient crissement vite, et je me demandais quoi faire avec ça : faut-tu que je lui écrive pour lui dire que c’est cancel, ou ça va de soi? Aussi, c’est quoi mon problème? Comment j’ai pu dater un dude aussi wack? En fait, ma vraie question c’est : are the guys okay? 

Merci de donner suite, 

Carolanne

 

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Chère Carolanne, 

Je t’écris aujourd’hui parce que ça va mal. 

Notre rencontre au Salon du livre de Montréal me laisse croire que tu seras la seule à pouvoir m’aider, me conseiller.

Je me rappelle nos deux tables hautes, côte à côte. T’étais jackée sur ton tabouret, les jambes ramassées en nœud papillon en dessous de ton corps long comme le mien, quoique bien plus blond et décontracté. C’était pas ton premier rodéo, et par rodéo je parle de salon du livre. Ces foires me font bel et bien l’effet d’un taureau mécanique au milieu d’un bar où on te pitche des pichets de bière sur ta tite camisole blanche de fille qui swing en criant qu’elle a mal au cœur. Bref, t’es une pro de la signature et ça m’a bien apaisée de co-rider l’éléphant dans la pièce : l’absence de fans en délire devant nos précédemment citées tables hautes. 

Tout étourdie du girl crush que, décidément, tu m’inspirais, j’ai dépensé trois fois vingt piasses pour me procurer tes deux recueils et ta pièce de théâtre, tous trois publiés aux précieuses éditions dont on taira le nom ici par souci d’anonymat, éditions qui nous lient telles des soeurs éternelles d’ouvrages printés en 2022 parce que crime, ta pièce Manipuler avec soin est le numéro 68 et mon roman est le 69 dans la collection de la non dite maison d’édition, cristifi du saint Ciel, c’est-tu pas d’adon ou c’est pas d’adon?! C’tu pas un signe qu’on est faites pour être amies, et par amies je veux dire siamoises best friends potentielles mères de nos enfants parce que tsé fuck les familles mononucléaires on peut-tu faire des kids avec qui on veut genre avec d’autres autrices qui publient des belles affaires et qui répondent à tes stories sur Instagram, criss?

Parlant de 69, ça me ramène à la cause de cette missive : 

Où est-ce que je peux retrouver l’amour?

Seule toi saura m’éclairer, poétesse avertie que tu es.

En effet, j’ai égaré l’amour. Ou plutôt, j’ai comme perdu certaines de ses pièces. 

Depuis deux ans, je m’amuse à le déconstruire. En essayant de le remonter, petit boutte par petit boutte, je réalise que j’ai perdu une vis ici, une pinouche là. C’est mon genre ça, défaire un meuble pour le déménager, pu savoir où j’ai rangé la tite clé Allen de marde, pitcher des washers importants dans toutes les poches de mes jeans. Reconstruire tout ça dans le nouvel appart, réaliser que mon lit est rendu une île shaky, un radeau à trois pattes. 

Parlant de lit, ça me ramène à la cause de cette missive : 

Peux-tu m’expliquer ce que tu connais mieux que quiconque, soit les mots qui font rêver?

Dans le projet de Lego qu’est l’amour (c’est comme un jeu de mots, là, reste concentrée), j’ai clairement perdu le mécanisme qui fait que le bidule bouge, tourne, avance, fait du bruit, sourit. J’ai beau fouiller les poches de mon suit de ski, le coffre à gants de mon char, le tiroir à ustensiles, j’ai clairement égaré… sa définition.

La définition que j’avais de l’amour ne fitte plus dans le trou où elle devait aller (c’tun autre jeu de mots, plus trash un peu). 

Pis non seulement j’ai perdu des morceaux de la définition initiale que j’avais de l’amour, mais en plus j’ai un paquet de nouveaux clous de plein de longueurs différentes qui fittent semi avec le mode d’emploi qu’on m’a vendu quand j’t’ais kid. 

Dans le creux de ma main, je tiens toutes les tits morceaux arrivés de je sais pas où et même si je suis pas sûre de savoir où les insérer dans le kit initial, je les trouve beaux et brillants. 

J’essaie de voir si je peux les tie wrapper quelque part sur le projet de l’amour, duct taper quelque chose sur mon coeur. Des amies de femmes fantastiques, une sexualité fatiguée de l’hétérosexualité, préférer spooner avec mes chiens qu’avec quelqu’un, le rêve de ne plus vivre à deux, choisir de publier un livre plutôt qu’accoucher d’un bébé…

Comment je fais pour retrouver l’amour??

Aide-moi, Carolanne. 

Sincerely yours, 
Fred Marseille