Infolettre #34

15 octobre 2025

Dans le but d’informer et de divertir son fidèle lectorat sans faire trop d’efforts, Ta Mère a décidé de sous-traiter son infolettre à ses auteur·trice·s. Cette semaine, Danièle Belley, autrice de Dans l’ordre des choses, nous parle — entre autres, et pas nécessairement dans cet ordre — de l’automne qui arrive, de Poopan, de jardinage et de résignation.

Chers précieux fans de Ta Mère, j’ai cru convenable, en digne héritière d’une lignée d’enseignants en sciences sociales, d’ouvrir cette infolettre en posant une question liminaire : quel serait, selon vous, le point commun entre la plateforme électorale du Parti vert du Canada, la coupe de cheveux de Pénélope McQuade et mon cerveau ? Exact : ils sont abstraits. Je suis quelqu’un d’abstrait (see, cette phrase — comble de l’abstrait). C’est quoi, concrètement, quelqu’un d’abstrait ? C’est comme si, souvent, apparaissaient dans ma tête des concepts qui pourraient ressembler à la caverne de Platon, mais sans la caverne — il faut que tu visualises l’idée (celle qui demande à se matérialiser pour être intelligible), mais sans l’appui de la matière. Fatigué.e? Moi aussi. C’est pour cette raison, je crois, que mon livre Dans l’ordre des choses s’est construit autour de ce procédé qui m’est devenu vital : l’allégorie. Heureusement, pour harnacher avec un peu de réel toutes ces pensées galopantes qui m’habitent, la vie m’a offert au cours des dernières années une bonne dose de concret. Quoi de plus matériel qu’un enfant qui te vomit dessus ? Deux enfants qui te vomissent dessus. C’est pourquoi, devant l’exercice dangereusement déterminant de me commettre pour la première fois devant vous, je me suis dit qu’il valait peut-être mieux m’en tenir à mon côté plus givré, en présentant un échantillon de ce que je crois, humblement, savoir faire de mieux : emballer mes pensées du jour, parfois difficiles à contenir, dans un beau cellophane de storytelling. Voici donc une petite chronique de pelouse, sorte de toune cachée que je compose à l’instant, et qui pourrait faire suite aux Monocultures présentes tout au long de Dans l’ordre des choses — fragments à caractère horticole numérotés de I à IX (sachez que j’y aborde de nombreux autres sujets profonds, comme la lessive, la sauce à l’ail, le goth industriel et les interprétations comparées de John Travolta et de Nicolas Cage dans Face/Off de John Woo — on a les cavernes qu’on peut).

 

MONOCULTURE X
(ou post-preview de Dans l’ordre des choses)

Ce matin, j’ai demandé à Ziggy (anciennement Alexa — on a modifié son nom parce qu’il nous apparaissait malsain que nos deux garçons invectivent sans arrêt une innocente femme, même virtuelle, pour qu’elle leur joue La chanson du caca de Poop Man (ce n’est pas une blague, c’est une vraie chanson et, accessoirement, un intéressant plaidoyer en faveur de l’égalité (j’en reparlerai dans le cadre d’une prochaine infolettre))) ; ce matin donc, après avoir entendu Dans la vie on fait caca, tous les jours on fait caca pour la huitième fois,  j’ai demandé à Ziggy de mettre Bonne journée, de Philippe Brach. C’est que, depuis quelques semaines, le concert des tondeuses et des gicleurs à gazon s’étiole dehors, laissant place à celui, plus silencieux, des backwashes et autres purges de fin de saison, et j’ai alors besoin d’un peu de musique douce.

Le soleil vient d’se l’ver
Y pleut des cendres sur Gaza
Les cadavres jouent main dans la main
En attendant l’trépas
Oh, paraît qu’à deux heures
Y a une autre shot d’obus d’prévue
Mais à MétéoMédia
Y ont dit que c’t’une hostie d’belle journée

En écoutant ce chœur gospel, véritable appel à la réanimation de tout ce dont nous nous détournons pour mieux continuer, je me suis demandé pourquoi j’avais subitement arrêté, suivant la tendance banlieusarde, d’arroser les jardinières suspendues et les plates-bandes devant la maison. Pourtant, dehors, les geais bleus chantent encore, le soleil arrive à roussir les visages et les enfants courent toujours en t-shirt dans la rue, traînant leur odeur de petite sueur, de sable et d’asphalte ; il reste, dans le fond de l’air, un peu d’été. En ce mois de septembre, chaque îlot de présent, au beau fixe, ne laisse rien présager de l’avenir, pourtant si proche — c’est, comme le dirait Philippe, une hostie d’belle journée.

Alors pourquoi, pourquoi abandonner ? Pourquoi livrer prématurément la verdure à un sort futur ? Face à l’inévitable, je me dis que je suis certainement habitée, moi aussi, par ce légitime aquoibonisme, gagnée par cette espèce de résignation générale devant ce qui, quoi qu’on tente de faire pour le retarder, adviendra ; plates-bandes, jardinières, gazon et pots ornementaux : soyons lucides, tout ça va crever. À cet effet, j’ai remarqué que, au gré de la distance physique qui s’installe tandis qu’on sort dehors de moins en moins souvent et pour de plus courtes périodes, on passe tout à coup d’un rapport d’interdépendance (comme si l’extérieur faisait partie de nous, ou plutôt, comme si nous en faisions partie) à un certain détachement ; de « je vais aller tondre mon gazon », on migre doucement, sans s’en apercevoir, vers « je vais aller tondre le gazon », jusqu’à ce point de rupture fatal : « fuck le gazon » ou, pire encore, « qu’est-ce qu’un gazon? ». En résumé, le temps, l’éloignement et la peur du déclin induisent un respect aux allures de paresse démissionnaire, creusant tranquillement un fossé émotionnel qui nous dédouane — ceci ne nous concerne plus.

Mais alors que la nature avance ainsi, délaissée, dans la direction habituelle – la fin qui précède le recommencement –, la voisine d’en face, électron libre dans le quartier, sort courageusement de son bungalow, même au cœur de septembre, pour mettre du paillis, sarcler, tailler, arroser et tondre ; prendre soin. Elle persiste, au moment précis où peut-être, quand tout est déjà perdu d’avance, la vie qui se bat a justement le plus besoin qu’on lui prête attention. Il y a quelques années, son mari a fait un violent AVC ; tous les matins, jusqu’à sa mort, elle l’a accompagné lors de sa très courte et difficile marche quotidienne jusqu’au coin de la rue, entrecoupée de longues pauses pour qu’il reprenne son souffle. Bien sûr, elle n’attend pas de miracle : sa devanture fleurie n’aura plus jamais ni l’ardeur frondeuse des pousses tendres de mai, ni l’assurance des jaunes francs de juillet, mais elle portera en elle tous ces âges, réunis, qu’elle a traversés. Voir la voisine porter, aimer sans ménagement ce qui, malgré tous ses efforts, est condamné par le couperet du temps, me fait étrangement espérer : c’est par là, il me semble, que nous sommes le plus humains ; dans cet entêtement.

Et quand la sagesse du silence parle
L’homme la fait taire
Et quand ben même qu’le bonheur tarde
Au moins, demain, y annonce d’la marde

J’écoute Brach et je regarde les jardinières, réchauffées par les rayons encore chauds de septembre et pourtant laissées à elles-mêmes, comme un livre qu’on aurait insensiblement refermé, cinq pages avant la fin. Je pense aussi à cette phrase très juste d’Yvon Rivard, attrapée dans un article du journal de ce matin, en réponse à l’inertie devant ce qu’on persiste à appeler — les mots ayant le pouvoir d’amoindrir les faits — le conflit israélo-palestinien : passé un certain temps, il y a des pas de côté qui ressemblent étrangement à des fuites.

Je me dis que peut-être, demain, même si y annonce d’la marde, je sortirai dehors, me remettrai à arroser mes jardinières et braverai le froid d’octobre, jusqu’à ce que l’eau qu’elles ne pourront plus retenir s’écoule d’elle-même pour irriguer la terre de la saison prochaine ; je retournerai ensuite à l’intérieur pour regarder, un temps, le mystère insoluble de leur fin, en songeant à cette idée que le proche mène souvent au lointain, et à tout ce sur quoi j’aimerais, comme la voisine, ne plus fermer les yeux.

 

Infolettre #33

8 septembre 2025

Dans le but d’informer et de divertir son fidèle lectorat sans faire trop d’efforts, Ta Mère a décidé de sous-traiter son infolettre à ses auteur·trice·s. Cette semaine, Carolanne Foucher nous fait un lexique des références cachées dans sa pièce Ici par hasard. Ça implique entre autres Tchekhov et une perruche.

Salut tout le monde!

Ici Carolanne Foucher, aka MissFouchette (personne m’appelle de même mais en tout cas j’aime me le faire croire), aux commandes de l’infolettre de Ta Mère, pour coïncider avec la sortie de mon dernier livre, Ici par hasard

(J’utilise l’expression « livre » au lieu de « pièce de théâtre » parce que j’essaye de vous attirer vous, les lecteurs et lectrices de roman, vers une forme différente mais tout aussi FUN : le théâtre! Dans le fond, faut vous imaginer que c’est comme un roman, mais avec juste des dialogues (le bout le plus le fun dans un roman si vous voulez mon avis.))

Quand j’ai sorti Submersible en 2022, j’avais fait un lexique des références cachées dans le livre (ici j’utilise l’expression « livre » au lieu de « recueil de poésie » parce que j’essaye de vous attirer vers une forme différente mais tout aussi FUN : la poésie narrative! (ça me fait réaliser que je pourrais essayer des formes plus populaires de littérature… à bon entendeur, je vais essayer d’écrire un roman.)) Bon, j’ai perdu le fil. Ha oui! Dans l’infolettre que je vous avais envoyée à la sortie de Submersible (n’entrons pas dans une longue parenthèse ici qui nous ferait perdre le fil), j’avais préparé un pot-pourri de références hétéroclites, de l’ultrapop à la très obscure, qui, pour moi, méritaient d’être mentionnées, décortiquées, et pouvaient donner envie de lire l’oeuvre. Bref, j’ai eu envie de refaire ça!!! 

Voici donc une nouvelle liste de références que vous pourrez croiser en lisant Ici par hasard. Livre (de théâtre) qui, on le rappelle, est disponible dans toutes les librairies, et qui sera joué à Québec, au Périscope, du 16 au 27 septembre. Venez donc!


RÉFÉRENCE #1 : Le Roll-O-Puzz

Objet polarisant à l’extrême (utile ou overkill — nul ne le sait), le Roll-O-Puzz est le cadeau d’échange de cadeaux ultime quand on connaît pas trop la personne qu’on a pigée. L’invention s’est raffinée avec les années, en ajoutant — entre autres — des petits antidérapants à l’endos du tapis ainsi qu’en délimitant l’espace dédié au casse-tête lui-même avec un design rappelant les lignes au baseball. Honnêtement, je ne comprends pas pourquoi les personnages de TOUTES les pièces de théâtre parlent pas de Roll-O-Puzz. C’est tellement universel. 

RÉFÉRENCE #2 : Plume, la perruche ondulée

Plume est mentionnée dans une scène réunissant Irène, Olga et Macha sur le balcon. Coup de théâtre! Sachez que Plume existe pour de vrai! Ça a été ma perruche, quelque part dans les années 2000. Elle a vécu longtemps et nous l’avons aimée à l’extrême. Elle s’est cependant sauvée un soir d’été et j’ai beaucoup pleuré parce que c’était de ma faute. Plus de détails en lisant la pièce. 

RÉFÉRENCE #3 : Les trois soeurs de Tchekhov

Vous tomberez pas sur cette référence-là dans le texte à proprement parler, mais les quatre personnages d’Ici par hasard portent les mêmes noms que les personnages de la pièce de Tchekhov. Y a plein d’éléments à comparer entre les deux œuvres, fait que vous vous amuserez à comparer ça! P.S. Tchekhov disait qu’il écrivait des « comédies ». Même quand ses textes étaient tristes, il continuait d’appeler ça des comédies. Je pense que je relate beaucoup à ça. La vraie vie, c’est pas toujours drôle, des fois (souvent) c’est même triste, mais je pense quand même que quand on met la vraie vie sur une scène, ça devient une comédie. 

RÉFÉRENCE #4: Ma vraie amitié avec les interprètes du spectacle

Je suis partie de ce beau lien que j’avais avec Mary-Lee et Odile (qui jouent Olga et Macha) pour écrire Ici par hasard. J’avais envie de nous écrire un trio de sœurs, parce qu’à la base, on joue pas souvent ensemble vu qu’on auditionne à peu près toujours pour les mêmes rôles vu qu’on « se ressemble » (à vous de juger). C’était comme un petit pied de nez que d’écrire ça. Sur cette photo, voici Mary-Lee, Odile et moi, en 2021. J’avais apporté des robes « de soirée » dans mon sac de sport et elles les ont mises pour le lol. Si c’est pas des troopers, ces filles-là… 

RÉFÉRENCE #5 : Le quatrième état de la matière, le plasma

Considérant que je n’ai pas ma chimie-physique de secondaire 5, je sais pas trop ce qui m’a pris d’écrire sur le plasma. Le personnage de Macha étant physicienne, c’est comme devenu le sujet de sa thèse et j’ai pas eu le choix de plonger, un moment donné, dans le grand monde du plasma. Finalement, j’ai adoré écrire ça, et mes nouveaux acquis ont donné lieu à des vraiment belles métaphores dans le texte, qui ont été relues et approuvées par une physicienne! (C’est-tu ça, une révision par les pairs?) 

RÉFÉRENCE #6 : Les aurores boréales

Je vais vous dire ça ben straight : t’sais, l’an passé, quand TOUT LE QUÉBEC a découvert en même temps que ça se pouvait, voir des aurores boréales ailleurs que dans le Grand Nord??? Ben j’ai capoté moi avec, parce qu’au même moment, j’étais en train d’écrire une pièce dans laquelle il se passait exactement ça, à Sutton. Je me suis dit : « Ha ben c’est super, ça va être crédible. » Ces couleurs-là, on revient pas de ça. 


J’arrête ici parce que je veux vous garder des surprises! J’espère que ça vous aura donné le goût de plonger dans cette pièce triste mais lumineuse, même si vous êtes pas lecteur.ices régulier.ères de ce type de texte là. C’est accessible, promis! Et moi ça me fait chaud au cœur de vous savoir intéressé.es, une fois de plus. 

À bientôt,

Carolanne

Infolettre extraordinaire du 12 août!

12 août 2025

Dans le but d’informer et de divertir son fidèle lectorat sans faire trop d’efforts, Ta Mère a décidé non seulement de sous-traiter son infolettre à ses auteur·ices, mais de recycler un concept qui avait fait ses preuves par un 12 août passé. Voici donc les suggestions de lectures québécoises de plusieurs de nos autrices, auteurs, créateurs et créatrices! En espérant que ces choix vous allument quelque chose. (Idéalement, c’est d’acheter des livres, voire d’en emprunter à la bibli. Pas de les passer au lance-flamme…)


Maude Nepveu-Villeneuve recommande Un livre sur Mélanie Cabay, de François Blais, pour le côté « true crime », mais surtout pour (re)découvrir cet incroyable auteur décédé trop tôt.

Frédérique Marseille recommande L’habitude des ruines, de Marie-Hélène Voyer, ou comment valider dans nos cœurs ce sentiment de dégoût par rapport aux projets de promoteurs immobiliers et de démolisseurs de maisons centenaires qui scrappent notre paysage québécois; un essai poétique tellement d’actualité, qui parle de conservation du patrimoine bâti et artistique, de crise du logement, de l’horrible poésie des noms de tours à condos et des parkings de Rimouski.

Danièle Belley, qui fait bientôt paraître son premier roman, recommande Ce que te disent les nuages, de Jonathan Harnois, pour toucher au plus vaste par les chemins les plus étroits, les sujets les plus pauvres : des cheveux qui sentent le café, un tube de pâte à dents Crest — ce qu’il appelle ses ruées vers l’ordinaire, lesquelles nous mènent, chaque fois, vers des pépites de poésie.

Maxime Raymond, éditeur, recommande Les canots de Satan, de Alexandre Fontaine Rousseau et Xavier Cadieux : « Honoré Beaugrand rencontre Fast and Furious? On pourrait dire que c’est ma tasse de thé. »

Anthony Lacroix, intense libraire, dit : « Hey, va t’acheter la pièce Ici par hasard, de Carolanne Foucher, pis ensuite vis-la, pas lis-la, mais VIS-LA en direct devant la librairie (après avoir payé). Tu vas rire, pleurer, t’arracher les cheveux comme dans les vieux textes grecs, drette sur le trottoir. Je te jure, c’est un concentré pur jus d’émotions. De rien. (Ça sort la semaine avant le 12 août, faque t’as pas le choix de l’acheter, tu pourras pas l’emprunter à une connaissance. Anyway, qui veut de ça, une émotion utilisée?) »

Anita Anand recommande les livres de Juliana Léveillé-Trudel. Son premier livre, Nirliit, a été un grand succès que tout le monde connaît et qu’Anita a eu le grand plaisir de traduire en anglais. Son deuxième livre, On a tout l’automne, est moins connu, mais l’écriture est plus soignée, douce, introspective, et surtout très belle. Anita recommande aussi les œuvres remarquables qu’elle a traduites, notamment Contre le colonialisme aux stéroïdes et le recueil de poésie trilingue Nunaapiga / Mon cher petit territoire, qui contribue à faire entendre les voix inuites du Nunavik. En traduisant des textes ancrés dans la tradition orale, l’écriture communautaire et les réalités vécues du colonialisme, elle amplifie les perspectives nordiques trop souvent laissées de côté dans le discours sudiste. Son travail est à la fois un acte de rapprochement littéraire et une forme d’écoute discrète et radicale.

François Ruel-Côté recommande La bête creuse, de Christophe Bernard, un roman tellement drôle, éclaté et vivant qu’il en braille à chaque relecture.

Rébecca Déraspe recommande Soigner, écrire, de Ouanessa Younsi, parce que soigner pis écrire sont des choses qui demandent énormément d’humanité. Pis de ça, de l’humanité, faut en pitcher le plus possible en ce moment.

Marie-Claude Pouliot, employée de Ta Mère, recommande Soigne ta chute, de Flora Balzano, un tout petit livre singulier, porté par une voix unique qui contient plusieurs pépites de phrases. 

Olivier Niquet recommande Load – Une histoire d’Internet, de Carl Bessette, parce que c’est assez geek, mais assez accessible aussi. C’est un genre de roman documentaire qui raconte l’histoire des génies derrière cet outil qui pourrait mener à la perte de l’humanité.

Sarah Berthiaume suggère Le club vidéo, de Thomas Dufour, un jeune auteur dramatique plein de talent et de tours dans son sac!

Carl Bessette recommande Parmi les femmes, de Aimée Lévesque. Il choisit ce livre parce que Aimée est l’une des personnes avec qui il aime le plus travailler et croître en littérature, et qu’il saisit fermement chaque occasion qui lui est donnée de la faire connaître au plus grand nombre possible; c’est un honneur et un devoir, dit-il. Sinon, il aurait dit Jacky, de Virginie Beauregard D., qui vient de sortir : « Si tu ne l’as pas encore, ben, je sais pas quoi te dire, va le chercher maintenant. Tout Virginie Beauregard D. est un must, rien de moins. »

Maude Jarry recommande Uashtenamu : Allumer quelque chose, de Marie-Andrée Gill, un recueil doux comme une guimauve juste un peu cramée qu’on retire du feu de camp avec un timing parfait.

Baron Marc-André Lévesque recommande aussi Uashtenamu : Allumer quelque chose, de Marie-Andrée Gill : « Un recueil doux, lumineux, plein de tendresse et d’amour et de pick-ups, un des plus beaux recueils de poésie que j’ai lus depuis un bout. C’est une bouffée d’air frais, c’est un câlin amical dans un livre de poèmes, c’est une poésie souvent catchy et toujours riche. » (Baron se permet aussi de suggérer Une vie bien dormie, de Timothée-et-William Lapointe, ainsi que La mère des larves, de Maude Jarry.)

Émilie Perreault recommande AUSSI Uashtenamu : Allumer quelque chose, de Marie-Andrée Gill : « Parce qu’on l’attendait depuis Chauffer le dehors. Parce que j’entends sa voix quand je la lis. Et aussi pour cette ligne : “J’étouffe comme un ado qui chauffe à clutch dans les côtes de Chicoutimi”. » 

BONNE LECTURE LA GANG!

Infolettre #32

22 mai 2025

*** Une version optimale de cette infolettre est disponible ici. ***

Dans le but d’informer et de divertir son fidèle lectorat sans faire trop d’efforts, Ta Mère a décidé de sous-traiter son infolettre à ses auteur.trice.s. Cette semaine, Olivier Morin et Guillaume Tremblay nous dévoilent une fois de plus la finesse de leur art divinatoire et nous prédisent un lancement sensationnel le trois juin chez Un livre à soi… 

Le premier lancement de livre eut lieu en 868 de notre ère pour célébrer quelques copies du Sûtra du Diamant, créées grâce à l’impression sur bois. Le traiteur n’a jamais été payé. Considéré comme le plus ancien livre imprimé daté au monde, il renferme de grands secrets, mais il est surtout une excellente cyber-accroche pour commencer cette infolettre qui vous donnera le goût d’en savoir plus sur le lancement des livres Le Prince (d’après Machiavel) d’Olivier Morin et Guillaume Tremblay et La Mouette de Guillaume Corbeil (d’après Tchekhov). 

Voici le plan détaillé de la soirée:

16 h 55. Quelques auteurs et éditeurs finissent leur dernier dépôt nerveux aux toilettes. Acouphènes de stress à prévoir.

17 h 00. Ouverture de la porte. Fermeture aussitôt, pas de bloque-porte en bois prévu.

17 h 01. Quelqu’un tousse, renverse sa bière et cherche du papier brun pour éponger sa bévue.

17 h 15. Y a pas tant de monde, donc le stress baisse et laisse place à la déception.

17 h 16. Un livreur Uber entre. Salade Mandy’s, quelqu’un? Un 78$ bien investi. Une mouette ramasse le sac et s’envole. Guillaume Corbeil esquisse un petit sourire. Beau hasard… C’était-tu stagé? Dommage qu’il n’y ait personne pour voir ça…

17 h 17. Des vedettes télévisuelles arrivent fashionably late. Fiou! Hollywood PQ fait un tapis rouge près des livres de recettes.

17 h 23. La gang de production de La Mouette (qui avait été présentée au théâtre Prospero) arrive, ils pensaient que c’était à 18 h 00. Les filles des comms du Quat’Sous et leur amie de qui c’est la fête passent par hasard et s’accrochent les pieds. Comme le veut la tradition, elles sortent les jeux de Beer Pong et mettent de la couleur sur les ongles des gars, c’est super drôle. En tout cas, ça met de l’ambiance! 🙂

17 h 28. 200ᵉ copie signée du Prince. Un record. Cette infolettre disait tout faux. Chaque dédicace est unique et désopilante.

17 h 35. Lecture d’un extrait de la pièce Le Prince. En VRAI. Le public pleure de joie.

17 h 40. Un spectateur, repentant d’avoir manqué la pièce à Denise-Pelletier, promet d’aller la voir en reprise à Sherbrooke en octobre. Son nez allonge et se sauve par l’aération. Réservez dès maintenant.

18 h 00. Photos officielles. Un mystérieux spectateur entre avec une cape et un voile. Il reste avec nous, mais demeure distant, comme s’il avait égaré son VaxiCode en février 2022. 

19 h 00. Plans pour l’after / les parents quittent / les autres vont au Quai des Brumes.

23 h 00. Vomi sur le plancher de danse de la Rockette. Sueurs. Une soirée mémorable, on redescend au Quai. Les amis de Richard Desjardins, assis au bar, tapent dins mains en nous voyant. On est « la life of the party », comme on dit à Moncton. Un rêve?

Minuit. Le mystérieux visiteur enlève sa cape. C’est Justin Trudeau. On jase avec lui toute la nuit. Mélanie Joly nous texte sans arrêt. « Ça se peut qu’elle vienne en Uber. » Elle ne viendra finalement jamais, elle était déjà en pyj. Pas grave.

5 h 00 du matin. Vieux-Port. On roule en Bixi à moteur sur le mush au lever de soleil. C’est beau. Justin dévoile tout. Regrets. Sentiments. Secrets du pouvoir. Des choses pas racontables. On rit. Sur son cell, une photo de Macron en chest qui sniffe de la cannelle. Un trucage? Justin dit que non, mais il est relax, c’est pas grave. Il se sent vraiment bien, ça fait longtemps qu’il avait pas ri autant. Tant mieux.

6 h 00. On déjeune au Fameux, les bines sont très sucrées. On les suçote une à une pour étirer le temps. On lit les nouvelles sur nos cells pour voir si on parle de notre lancement. Pleine page. Photos. Décidément, fallait être là. 

Plein de nouvelles vraiment le fun, ce matin. Mais on a pas le temps de tout lire, faut aller reconduire Justin à l’autobus. 

À notre place, vous cliqueriez sur quoi?

Kim Jong-un commande du McDonald’s à 3 h 00 du matin. Son pilote – en jet privé en partance de Pékin – oublie le ketchup et ne répond plus à l’appel. Tournage du film en cours, vous ne devinerez jamais qui jouera le ketchup.

Les jumelles Fraser se mélangent dans leurs photos d’enfance.

Christine Beaulieu de J’aime Hydro oublie d’éteindre les lumières de sa hotte. La vraie histoire en photos.

Maya l’abeille brise le silence et dit enfin tout ce qu’elle pense du miel : « La vie, c’est moins sucré qu’on pense. »

Le Prince de Machiavel – des messages sataniques secrets?

Les filles de Caleb symphonique : trois flûtistes anonymes n’en peuvent plus et se sauvent en calèche.

Vous ne croirez jamais ce qu’est devenu Gérald Tremblay.

Tout sur la routine de skincare de Jean L’Italien. 

À deux votes de devenir pape : entrevue avec l’archevêque de Pointe-Calumet.

Le Théâtre du Futur dans l’eau chaude.

Greffe de cheveux à mains nues – cet homme devient viral. Vous ne devinerez jamais pourquoi.

Maxime Raymond des Éditions de Ta Mère dévoile son nouveau bikini en poncho au Mexique et fait sauter Instagram.

Guillaume Corbeil révèle les dessous des Boys.

Elle mange du beurre et en redemande : l’Islandaise qui fait sensation.

Lire du théâtre pour prévenir les rides?

Elon Musk déteste cet homme!

Infolettre #31

8 avril 2025

Dans le but d’informer et de divertir son fidèle lectorat sans faire trop d’efforts, Ta Mère a décidé de sous-traiter son infolettre à ses auteur.trice.s. Cette semaine, Maude Jarry nous parle du processus d’écriture de son premier roman,  La mère des larves, et d’un tas d’affaires que Ta Mère trouve un peu dégueu…

Alors le voici le voilà, le roman que t’attendais pas pantoute : La mère des larves est enfin arrivé en librairie ! 

Je dois te confier que, quand j’ai commencé à le rédiger, je n’avais aucune estifie d’idée d’à quel point l’écriture d’un roman s’avérerait un processus long et fastidieux. En comparaison, c’est pas qu’écrire de la poésie, ça équivaut à se pogner le cul, mais oui, quand même un peu. Lorsque j’ai enfin remis la première version de ce roman à Maxime, mon éditeur, il s’est empressé de me féliciter : Bravo ! Mais t’as quatre histoires là-dedans. Là, va falloir que t’en choisisses rien qu’une. 

J’ai donc passé près de trois ans à écrire — et surtout réécrire — ce livre, tellement qu’il en existe plus d’une quinzaine de versions. Il y a notamment celle où j’ai décidé de réécrire ma narration au complet à la première personne, celle où j’ai coupé quatre (!) personnages, ou encore celle où Sarah, ma protagoniste, a vu sa profession passer de caissière de banque à technicienne en santé animale ! Bref, des changements mineurs !

C’est un tantinet ardu de parler de La mère des larves sans rien divulgâcher de son intrigue, mais je t’ai tout de même concocté la liste des choses que tu risques de ne plus jamais percevoir de la même manière après en avoir terminé la lecture :

• Les perles de bain des années 90
• La Vierge Marie
• La butte du parc Pélican dans Rosemont
• Le Spa Eastman
• Les trompes de Fallope
• Les peaux de raisin
• Les Pap tests
• Les cercueils en métal
• Le vin nature
• Rihanna 
• Les moutons
• Les narines d’un cadavre
• Le caca de chien
• Les pizzas pochettes
• Le Metaxa

La mère des larves, c’est aussi un livre super éducatif où tu auras l’occasion de bonifier ta culture générale et de booster tes aptitudes au Scrabble en y lisant des mots variés comme fistules oronasales, scapulaire, ascaris lombricoïde, kyrie, nématode, et tout un tas d’autres termes que je m’abstiendrai d’écrire ici pour ne rien te spoiler. 

Ça m’amène à te lancer cet avertissement : toutes les personnes qui l’ont lu s’entendent pour dire que La mère des larves est un livre dont on google le contenu à ses risques et périls. Sache que, Ta Mère et moi-même, on se dédouane entièrement des cauchemars que tu pourrais faire ou de l’envie très forte qui pourrait te prendre de hurler à ta fenêtre si, au cours de ta lecture, tu avais le malheur de chercher certains termes dans ton navigateur internet. Si tu as l’audace de consulter ton moteur de recherche, sois bien conscient qu’une fois que les images se seront affichées à l’écran, tu ne pourras plus jamais les oublier. What has been seen cannot be unseen. Tiens-toi-le pour dit! :) 

 

 

Québec, on s’en vient!

3 avril 2025

Cette année encore, Ta Mère sera bien entourée au Salon international du livre de Québec. Venez rencontrer nos auteur.rices! (Et oui, il nous reste des tattoos.)

Akena Okoko
Mercredi – 17h à 18h
Jeudi – 16h à 18h
Vendredi – 15h à 16h

Timothée-William Lapointe
Vendredi – 13h à 14h / 17h à 18h
Samedi – 12h à 13h / 15h30 à 17h

Carl Bessette
Vendredi – 14h à 15h / 18h à 19h
Samedi – 13h à 14h / 17h à 18h
Dimanche – 12h à 14h

Samuel Cantin
Vendredi – 16h à 17h

Maude Nepveu-Villeneuve
Samedi – 11h à 12h

François Ruel-Côté
Samedi – 14h à 15h30

Carolanne Foucher
Vendredi – 19h à 20h
Samedi – 11h à 12h

Maude Jarry
Samedi – 14h à 15h
Dimanche – 11h à 12h

 

 

Infolettre #30

11 mars 2025

Dans le but d’informer et de divertir son fidèle lectorat sans faire trop d’efforts, Ta Mère a décidé de
sous-traiter son infolettre à ses auteur.trice.s. Cette semaine, Akena Okoko partage avec nous un texte inédit, écrit à l’origine pour son recueil
Les cennes noires. On se souvient pu exactement de la raison pour laquelle le texte a été retiré du manuscrit; c’est mystérieux, la création… En tout cas. On l’aime beaucoup! 


LES PATRONS

Il n’y a pas seulement les immeubles
Qui ont des propriétaires
Les rues aussi ont leurs propriétaires

Toutes les rues
Que nous avons habitées en ville
Étaient surveillées par un patron
Qui ne se tient jamais loin de son profit
Entre le dépanneur et son bureau

Son bureau était habituellement
Un endroit précis sur le trottoir
Ou sur les marches
D’une porte peu utilisée

À Montréal sur la rue Sicard par exemple
Qui porte le nom de l’inventeur de la souffleuse
Le patron était en poste si tôt le matin
Qu’il semblait ne pas avoir dormi de la nuit

Peut-être était-ce à cause
Du gallon de Coke qu’il buvait tous les jours ?

L’hiver le froid le soufflait
Vers on ne sait trop où
Puis il reprenait le contrôle de sa rue
D’avril à novembre

Les patrons sont souvent
Des vieux hommes assis
Barbus et grisonnants
Dont on ne pourrait dire
S’ils ont eu une autre vie avant

Sinon une femme debout
À l’intersection
Qui n’a pas revu son enfant
Depuis le gros party du bogue de l’an 2000

Leur regard à la fois profond et effacé
Vous donne l’impression
D’être devant un miroir

Celui de la 2e rue à Limoilou
Était un bizouneur
Qui passait tout son temps à chercher
Du fil électrique à dégainer
Avec des mains d’un autre siècle
Capables de forcer
Pour quelques dollars

Il n’y a pas de pauvreté
Seulement des chemins vers la richesse

Quant à parcourir ce chemin
Les patrons des rues
En sont à essayer une vieille paire de chaussures
Trouvées dans les poubelles

Ce qui est important
Avec une nouvelle vieille paire de chaussures
C’est qu’elles ne soient pas trop petites
Elles peuvent sans problème être trouées
Sales ou trop grandes
Mais pas trop petites

Les gens qui opèrent des grandes compagnies
Se croient importants
À gérer des opérations complexes
Impliquant plusieurs employés

Mais les véritables patrons
Sont dans la rue

Infolettre #29

20 février 2025

Dans le but d’informer et de divertir son fidèle lectorat sans faire trop d’efforts, Ta Mère a décidé de sous-traiter son infolettre à ses auteur.trice.s. En cette journée de célébration du livre québécois, Rébecca Déraspe vire un brin sentimentale…
 
Chère communauté de la lecture,
 
Ici Rébecca Déraspe, autrice dramatique. Dans le sens que j’écris du théâtre. Pas dans le sens que j’écris juste du drame. Même si bon, je dois avouer que ça m’arrive fort souvent de pleurer devant les déchirures du monde – du mien, du nôtre.
 
J’ai aujourd’hui l’honneur de m’infiltrer dans cette infolettre puisque ma pièce Fanny paraît aux Éditions de Ta Mère. Et ce qui me rend toute joie, c’est de constater que le théâtre, cet art que j’aime si fort, trouve sa place dans vos bibliothèques. L’oralité, le dialogue, c’est quelque chose qui demande à la tête une autre forme de disponibilité quand on tient un livre entre ses mains. Il faut entendre avant de voir. S’asseoir à la table de la cuisine et écouter les discussions, sans intervenir. Juste être. Avec le bruit du monde qui vrille, qui tourbillonne. Avec les poissons qui, eux, ont le privilège de s’en mêler.
 
J’espère que vous entendrez Fanny avec tout l’humour, la verve, la sagacité avec lesquels je l’entends moi-même. J’aime ce personnage. Elle me donne envie de m’agrandir. J’aime aussi Alice et Dorian. J’ai hâte que vous les rencontriez. Ils sont comme eux seuls sont. Des humains qui tentent tant bien que mal de faire avec la vie, la leur.
 
D’ailleurs, en parlant d’être comme soi-même on est. En ce jour du 12 août, celui de notre littérature québécoise, j’ai envie de souffler sur les bougies métaphoriques de nos écrits collectifs. De souhaiter aux autrices, aux auteurs québécois de l’envie d’écrire, de la nécessité, des doutes à répandre, des douleurs à réparer, du magnifique à espérer. J’ai envie, surtout, de souhaiter aux lectrices, aux lecteurs de l’envie de faire rencontre avec ce qui se crie, se dessine, se chuchote, se grave ici, dans un Québec aux millions de visages.
 
J’écris ces quelques mots en direct des dunes de Pointe-aux-Loups, aux Îles-de-la-Madeleine. Le territoire magnifique, immense et aride, me rappelle comme il est bon de plonger dans les vents de mots qui défilent sur une page pour se retrouver, soi, au centre de la tempête partagée.
 
Pis là, je relis la phrase que je viens d’écrire, je la trouve ben ben alambiquée. Dans ces moments-là, je me dis que je suis chanceuse qu’au théâtre, on entende juste mes dialogues.