Infolettre #17

10 janvier 2022

Dans le but d’informer et de divertir son fidèle lectorat sans faire trop d’efforts, Ta Mère a décidé de sous-traiter son infolettre à ses autrices, auteurs, créateurs et créatrices. Aujourd’hui, Mathieu Poulin nous parle de, grosse surprise, son rapport à la lutte…


Faut que je vous avoue quelque chose.
 
J’ai perdu tout intérêt pour la lutte.
 
Ça s’est passé quelque part au début de la pandémie. Une espèce de grande fatigue. L’impression d’avoir fait le tour, de ne plus avoir d’énergie pour ça. J’avais consacré un peu plus des cinq dernières années de ma vie à tout regarder et tout lire et tout écouter à propos de cette discipline mal-aimée qui m’avait tant fasciné, j’avais consacré tous mes temps libres à écrire un roman qui tenterait d’exploiter ses mécanismes narratifs et son potentiel symbolique, j’avais coanimé pendant tout ce temps un balado qui avait contribué à faire de moi une référence en la matière au Québec, puis est arrivé ce moment où, les yeux cross-eyed devant un écran qui me diffusait une énième variation de gars qui se sacrent des taloches dans le mou du cou, j’en suis venu à la conclusion que j’avais épuisé le sujet.
 
Et je ne sais pas si c’est un hasard, mais ça a correspondu au moment où j’ai arrêté d’écrire.
 
La publication de La lutte a précédé de quelques mois le début du confinement. Alors que plusieurs ont profité de cette grande pause de normalité pour entamer ou compléter des projets d’écriture pour lesquels le temps avait toujours manqué, je me suis trouvé incapable d’écrire la moindre ligne. Je ne parle pas ici d’un blocage en bonne et due forme, de nombreuses heures à être hypnotisé par le vain et frustrant clignotement de mon curseur dans Word : je parle d’un désintérêt total. D’une espèce d’inertie artistique. Je ne crois pas avoir été particulièrement déprimé; juste très las. J’avais écrit deux romans, j’avais réussi à faire parler un peu de moi. C’était déjà pas mal. Peut-être le temps était-il venu de passer à autre chose. De faire quelque chose de mes mains. De faire du pain, comme tout le monde. De gosser des canards en bois. Je ne sais pas. Mais écrire? Bof. Been there, done that.
 
Je me suis souvent demandé si, inconsciemment, ce manque d’énergie créatrice trouvait son explication en cette nouvelle lassitude éprouvée à l’endroit de la lutte. Car justement, pour moi, écrire a toujours été une lutte. Une lutte contre moi-même, une lutte contre la paresse, une lutte contre le doute, une lutte contre la langue, une lutte contre mon PlayStation, une lutte contre mes insécurités, une lutte contre mon égo, une lutte contre ce que les autres ont déjà écrit, une lutte contre ce que je rêve d’écrire. Et, comme j’ai fini par m’en rendre compte il y a à peu près deux ans, la lutte, ça use…
 
Peut-être également que la stérilité grandissante du produit offert, ces dernières années, par la WWE avait fini par avoir raison de mon imagination. Les galas organisés par cette compagnie – qui jouissait jusqu’à récemment d’une espèce de monopole dans le monde de la lutte professionnelle – étaient en effet depuis un bon moment les principaux « produits culturels » que je consommais, souvent au détriment de la littérature et du cinéma. Ainsi, (sur)exposés de la sorte au fruit d’un travail d’écriture de plus en plus paresseux, incohérent et souffrant d’un manque de vision à long terme, mes muscles créatifs se sont sans doute eux-mêmes tranquillement atrophiés. Dans cette situation, l’idée de flexer quoi que ce soit était ainsi devenue pour moi très gênante.
 
Les mois ont passé, rendus semblables les uns aux autres par le brouillard de la pandémie. Je n’aurai finalement jamais fait de pain, ni gossé de canards en bois. Mais j’ai lu. J’ai écouté beaucoup de films. Beaucoup de séries. J’ai, après de nombreuses et décourageantes années d’essais infructueux, eu deux magnifiques petits jumeaux qui sont venus concrétiser le sentiment de plénitude que je n’avais auparavant pu qu’imaginer. Puis, la nuit, pour me garder éveillé alors que je devais jongler avec les biberons, j’ai commencé à regarder la All Elite Wrestling, une fédération récente à laquelle je n’avais jamais vraiment donné sa chance. J’y ai vu arriver des grosses pointures comme CM Punk, Bryan Danielson, Adam Cole. J’y ai vu briller Kenny Omega, les Young Bucks, Darby Allin, Orange Cassidy, MJF, Thunder Rosa, Britt Baker et plein d’autres. J’ai découvert une promotion qui respectait l’intelligence de son public, qui avait vraiment à cœur le développement d’histoires crédibles et cohérentes. Je me suis surpris, à la fin de chaque épisode de Dynamite, à avoir hâte au mercredi suivant. Ça faisait longtemps que la WWE, stagnante et gérée en cabochon, ne m’avait pas fait ressentir cela. Devant ce sport-spectacle auquel j’avais consacré tant de mon temps, mes yeux, qui s’étaient peu à peu habitués à rouler vers l’arrière, avaient tranquillement recommencé à briller.
 
Et puis, il y a quelques semaines, Ta Mère m’a proposé d’écrire un petit quelque chose pour cette infolettre. Je me suis dit « pourquoi pas ». Ça ferait changement de changer des couches. J’ai finalement ouvert Word, regardé pendant quelques instants le clignotement de mon curseur, puis j’ai fait ce que je n’avais pas fait depuis si longtemps.
 
Là, alors que j’arrive à la fin de ce petit texte, un grand sourire orne mon visage. Ça m’a même poussé à rouvrir un vieux document de notes auquel je n’avais pas touché depuis des lustres.
 
Faudrait peut-être que je m’avoue quelque chose.
 
Je crois que j’ai repris goût à la lutte.

Spécial des Fêtes!

20 décembre 2021

Hiroshimoi, Sainte-Foy et Les cicatrisés de Saint-Sauvignac, version livres audio, sont à 5$ jusqu’au 11 janvier 2022! Écoutez ça pendant les Fêtes! Un cadeau de Ta Mère pour vous.

Toutes les infos ici

Ta Mère au Salon!

18 novembre 2021

Ta Mère sera au Salon du livre de Montréal du 25 au 28 novembre au kiosque 1513. 
Yé! Venez rencontrer nos auteur.trice.s!

Jean-Philippe Baril Guérard
Jeudi de 18h à 19h + Prescriptions littéraires à la maison des libraires à 19h
Vendredi de 19h à 20h
Samedi de 16h à 18h + Table ronde – Culture ou culture pop? à 15h
Dimanche de 12h à 14h

Maude Nepveu-Villeneuve
Vendredi de 20h à 21h
Samedi de 17h30 à 19h + Table ronde – Le deuil périnatal, l’infertilité : du choc à la guérison 16h15
Dimanche de 13h à 14h + Prescriptions littéraires à la maison des libraires à 10h

Simon Boulerice                  
Dimanche de 14h à 15h
(ça, c’est pour notre nouveau titre Nous nous sommes tant aimés, Simon sera plus souvent que ça au Salon.)

Alexandre Fontaine Rousseau
Vendredi de 18h à 19h
Samedi de 15h à 16h

Camille Paré-Poirier
Vendredi de 17h à 18h
Samedi de 14h à 15h

Carolanne Foucher
Samedi de 13h à 14h
Dimanche de 14h à 15h

Rébecca Déraspe
Vendredi de 19h à 20h
Samedi de 12h à 13h

Baron Marc-André Lévesque
Dimanche de 12h à 13h

Timothée-William Lapointe
Samedi de 16h à 17h
Dimanche de 12h à 13h

Stéphane Girard
Dimanche de 15h à 16h

Megan Bédard
Dimanche de 16h à 17h

 

 

Lancement – Il est strictement défendu de boire en studio

15 novembre 2021

Le 16 novembre, venez nous saluer au Quai des brumes pour le lancement de Il est strictement interdit de boire en studio : trente ans de bénévolat à CISM de Alexandre Fontaine Rousseau

Alexan­dre Fontaine Rousseau jasera avec d’autres ani­ma­teurs passés et présents de CISM. Ani­mé par Olivi­er Vinette, venez écouter Chris­tine Forti­er, Eugénie Lépine-Blondeau, Poiri­er et Alexan­dre racon­ter l’amour et la pas­sion qu’ils ont pour leur radio uni­ver­si­taire préférée et, si on est chanceux, cer­taines anec­dotes crunchy de leurs années d’animation!

La discussion aura lieu à partir de 18h et sera aussi diffusée sur les ondes de CISM et disponible en balado sur le cism893.ca – mais si vous venez pas vous pourrez pas vous acheter de chandail ni de livre. 

Les détails sont ici.

Déraspe et son why-why en nomination au Prix littéraire du Gouverneur général!

15 octobre 2021

Combattre le why-why de la magnifique Rébecca Déraspe est en nomination au Prix littéraire du Gouverneur général! Hiiiii!
Bravo Rébecca! Ta Mère est fière et ravie! Bravo les autres nominé.es!

Elle vous raconte :

Ce matin j’ai beaucoup snoozé
Chaque fois que j’appuyais sur « rappel d’alarme »
Je voyais que j’avais reçu des messages
Mais je prenais pas le temps de les regarder
Pis là
Quand j’ai eu assez de force dans les yeux pour lire des choses
J’ai vu des lettres majuscules pis des bravos
Sans vraiment comprendre qu’est-ce qui – diantre – me méritait un réveil si heureux
Est-ce que mon téléphone me félicitait d’avoir réussi à me lever ?
Non
NON
Combattre le Why-Why était en nomination aux prix du Gouverneur Général dans la catégorie Théâtre
J’en suis sincèrement toute retournée
Ça me rend excitée/heureuse/ébaubie/fébrile d’apparaitre sur cette liste
Avec un livre qu’on a fait avec beaucoup d’amour
Avec les meilleurs du MONDE chez Les éditions de Ta Mère
Pis j’exagère pas
Genre Maxime Raymond, Marie-Claude Pouliot, Maude Nepveu-Villeneuve, Rachel Sansregret pis Ben Tardif c’est les gens qui font des livres avec le plus de talent d’humour pis d’amour au MONDE
Je suis juste follement chanceuse de les avoir rencontrés
(Pis là je dis «rencontrés»
Mais c’est faux
On s’est jamais vus ailleurs que sur zoom #saufmarieclaude)
On a fait ce livre pour le vrai plaisir de partager des fébrilités pis des vulnérabilités pis des crises de toutes les sortes
Pour le vrai plaisir de l’écriture pis de l’humour pis de la résilience
Pour le vrai plaisir de l’impudeur poétique
Ce texte en est un au « je »
Près de moi
Près de mes failles
Sans élément déclencheur
Sans courbe dramatique
Mais il trouve tout de même sa place dans la catégorie Théâtre
Ce qui fait beaucoup rire la fille qui a écrit cet extrait :
«En tant qu’autrice dramatique
Pour vous faire pleurer avec une phrase comme *la table de pique-nique est cassée*
Sans utiliser les variations symphoniques de ma voix
Faut que je mette un enfant sous la table
Que la table tombe sur l’enfant
Faut que je vous explique que ses parents y ont pas d’argent pour y payer une paire de béquilles
À cause des problèmes de santé mentale de la mère
Liés à son enfance trouble
Peut-être abusé
Est-ce que la mère a été abusée ?
Qu’est-ce que l’abus ?
Qui est le personnage principal ?
L’enfant ?
La mère ?
The table ?»
Bref
Je suis RECONNAISSANCE et EXCITATION
Pis aussi : un immense bravo à tous et toutes les finalistes
Écrire c’est quand même quelque chose qui demande du courage (pis des beaux pyjamas)

 

 

 

 

Lancement pour Après Céleste.

14 septembre 2021

Avec excitation, fierté et joie, Ta Mère vous invite au lancement du troisième roman de Maude Nepveu-Villeneuve, Après Céleste
Dans la cour magique du Port de tête, venez féliciter Maude, vous faire dédicacer son livre et fêter la littérature!

Les détails ici

 

Un lancement pour Dis merci.

20 août 2021

Ta Mère t’invite à un vrai lancement, dans une vraie librairie. En vrai.
Dis merci de Camille Paré-Poirier sera lancé le 9 septembre au Port de tête.
Les détails ici.

Infolettre #16

30 juillet 2021

Dans le but d’informer et de divertir son fidèle lectorat sans faire trop d’efforts, Ta Mère a décidé de sous-traiter son infolettre à ses autrices, auteurs, créateurs et créatrices. Aujourd’hui, Timothée-William Lapointe et Baron Marc-André Lévesque ont concocté un antépoème à leur recueil Verdunland

En haut du métro Verdun
au matin le soleil
se caramélise comme une dent en or.

Un nuage passe son tour
et un tapis d’ombre tombe sur les trottoirs
le petit change garde collé au creux de ses joues
le casse-gueule jauni des étoiles
pendant que le vent
jamais content
jamais ravi
joue avec les postes de la rosée
le poème comme la journée
prend son temps pour commencer.

Les rues sont vides
sont toujours vides c’est à croire
qu’elles sont ploguées sur rien

et chaque fois c’est dans le même décor
le même formol de bâtisses brunes
qu’arrive au travail
            avec sa petite boîte à lunch en fer
            avec sa petite cloche sous le bras
            son petit costume voyant rouge et jaune
le héraut de Verdunland.

Il arrive et déplie sa chaise
ses longs sourcils devant la mairie
et comme hier il vient attendre
des nouvelles qui méritent d’être criées
sur la place publique
et comme hier il vient attendre
des nouvelles qui ne viendront pas.

Parce que Verdunland
et les gens qui y vivent
ne font pas dans le factuel
on n’en parle pas
on passe volontiers à côté
sur des trottoirs parallèles
pendant que le héraut de Verdunland attend
s’endort d’impatience et finit parfois
entre deux parenthèses de roupille
par papillonner parmi fontaines et fantômes
et offrir en murmures
des fausses rumeurs douces à croquer
des rumeurs de grands événements
qui feront un jour sinon la une
à tout le moins la deux.

Sauf que ce matin-là
assis sur sa chaise le héraut voit
le destin arriver en ville
et venir ouvrir de sa main croche une porte
haute de trois pommes et quart :
un enfant oracle enjambe le cadre
et marche jusqu’à lui
lui tend une feuille mobile
remplie d’un essaim de gribouilles
et ébaubi le héraut la lit
la relit et de haut en bas
le fond de sa tête souffle sur ses yeux
sa petite cloche se fait aller toute seule
commence à varloper l’air les couleurs
passent du tiède au chaud
soudain ça sent 
l’information la nouvelle le scoop la dépêche
des têtes se mettent à pousser aux fenêtres
pour voir ce qui se trame se conspire
avec tant d’enthousiasme
la rumeur traverse Verdunland les trottoirs
replient leurs coins d’oreilles pour écouter
le héraut qui danse devant la mairie
le héraut qui crie tellement fort
que son cri en pète les jaunes d’œufs
des assiettes à déjeuner :
« QU’ON INFORME LES GUIDES
QU’ON ENCLENCHE LES PRÉPARATIFS
QU’ON HUILE LE PARC MOBILE
QU’ON CRINQUE LE VOLCAN DE L’ÎLE DES SŒURS
QU’ON DÉPOUSSIÈRE L’ANTIQUAIRE FOLKLORIQUE
QU’ON ENRAGE L’OGRESSE
QU’ON STATIONNE UNE SATURN
SUR LE ROLLER COASTER DERBY
QU’ON RÉVEILLE LA BABOUNE DE GÜNTER
LE BLUES DES ROBOTS DE L’ÎLE ROCK
QU’ON METTE DE LA MOUSSE DANS L’ATOMISEUR
DES GUILI-GUILI DANS SES DOIGTS
TOUT LE MONDE C’EST OFFICIEL
C’EST SUR PAPIER :
IL VA Y AVOIR UNE VISITE ! »